Clément toujours plus haut

Clément Delvinquier, 20 ans. En troisième année de BUT Génie mécanique et productique. Ce passionné d’aviation a intégré la plus grande tuilerie d’Europe un peu par défaut. Mais cette expérience de l’industrie lui a ouvert l’esprit sur de nouvelles perspectives.

De la Nouvelle-Calédonie à la campagne charentaise, il n’y a parfois qu’un pas que Clément Delvinquier a sauté quand il avait 7 ans. Ses parents professeurs de physique et d’anglais en collège ont vécu plusieurs années comme expatriés à l’autre bout du monde. Est-ce à l’occasion d’un aller-retour que ce jeune homme s’est découvert une passion pour l’aviation ? En tout cas, dès qu’il a pu, Clément a pris les commandes d’un avion. « J’ai mon brevet de pilote depuis mes 18 ans et je vole quand je peux. Il faut que j’aie le temps et que la météo le permette ! »

Après son bac spécialités Physique-Chimie, option maths et anglais renforcé, le jeune homme n’avait pas le niveau exigé pour intégrer directement une école d’ingénieurs. Direction l’IUT d’Angoulême pour un BUT en 3 ans de Génie mécanique et productique. « Je prends plus de plaisir à piloter un avion qu’à le voir voler ! Mais la conception industrielle dans l’aéronautique est aussi une piste très intéressante. Dans tous les cas, ce BUT reste dans mon domaine de prédilection. »

 

Apprendre à produire

L’objectif de ce parcours est d’apprendre à produire des objets manufacturés. Ici le secteur, c’est l’industrie ! La formation est organisée en blocs : l’interprétation de la demande client, la conception qui en résulte, comment produire en série. Les cours sont aussi centrés sur des matières purement scientifiques comme la physique des matériaux (résistance, usages, façonnage…) ou encore le dimensionnement des structures pour répondre aux contraintes de fabrication et d’usage. « Les TP sont souvent concentrés sur un mois ou un semestre puis disparaissent pour laisser la place à une autre matière. »

Pour les cours magistraux, la promotion de 36 étudiants reste ensemble. Mais en TD et en TP, les étudiants et les 14 apprentis sont séparés. « L’avantage de ces petits groupes, c’est qu’on connaît tout le monde. » Les étudiants se transmettent facilement les cours en cas d’absence. Clément a déjà demandé des coups de main pour utiliser le logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO) et il en donne aussi. Les projets de groupe sont fréquents, ça va même parfois jusqu’à la fabrication concrète d’un objet : « Une fois, on devait faire un médaillon de A à Z. Il a fallu se mettre d’accord sur le design et bien se répartir les tâches entre nous. »

 

La tuile, pourquoi pas !

Clément est en contrat d’alternance depuis le 30 septembre 2024. Mais il aurait pu y entrer beaucoup plus tôt s’il l’avait voulu. Dès la deuxième année de BUT. « J’ai préféré commencer par un stage pour découvrir cette application professionnelle de ma formation plutôt que d’être bloqué pendant deux ans dans une entreprise et un secteur qui ne me plaisaient pas. » Pas simple en effet de se positionner quand on n’a que 19 ans et aucun élément de comparaison. Ce fameux stage a duré dix semaines. L’occasion de confirmer son attrait pour le métier et cette entreprise, pourtant bien loin de l’aéronautique.

L’entreprise en question, c’est Terréal-Wienerberger, reconnue pour ses éléments de couverture de la maison. L’usine de Roumazières en Charente est la plus grande fabrique de tuiles en terre cuite d’Europe. On y produit aussi des briques, des décorations murales… Si Clément est entré dans cette structure, c’est grâce à un camarade de promotion. « Il avait décroché le stage mais c’était trop loin de chez lui. Quand il a trouvé autre chose, il m’a donné le contact. » Clément a été accepté rapidement, sans entretien. L’IUT est une référence dans le domaine. Et pour l’alternance en troisième année ? Pas d’entretien non plus ! « Mes supérieurs m’ont recommandé auprès des RH. »

 

Pourquoi l’apprentissage ?

« L’apprentissage apporte de l’expérience professionnelle tout en continuant ses études, souligne Clément. Cette période permet aussi de découvrir concrètement un métier et de vérifier si on est prêt à en faire une carrière. Bien sûr, je touche un salaire et je mets des sous de côté. D’autant que je vis chez mes parents puisqu’ils habitent à mi-chemin de l’IUT et de l’entreprise. J’aurais pu continuer en formation initiale avec seize semaines de stage en fin d’année. Mais le rythme de l’alternance me permet de faire un break et d’appliquer ce que j’ai appris en cours. »

 

« Je communique avec les sous-traitants »

Clément occupe un poste de technicien de maintenance. Il réalise notamment des modélisations 3D de pièces situées sur les machines qui composent les lignes de production. « A mon arrivée, on m’a demandé par exemple de trouver une solution pour accrocher un tuyau dans une cuve de production afin que les opérateurs n’aient pas à le tenir et puissent donc se protéger des projections de peinture. » A chaque problème sa solution. « Ce côté très concret m’a tout de suite intéressé. Pour ces missions, je suis amené à descendre à l’atelier, discuter avec les opérateurs pour bien comprendre la problématique et aussi à appeler des sous-traitants ou des consultants pour avoir des idées et connaître les moyens à disposition. » Chaussures de protection et casquette renforcée obligatoires ! D’un naturel plutôt réservé, Clément doit se faire violence pour oser décrocher son téléphone. « Les sous-traitants ne savent pas que je suis apprenti, mais je communique avec eux et leur exprime ma demande technique comme un professionnel. Seule l’alternance permet ça ! »

 

« Dans ma vie perso, j’ose davantage aller vers les gens »

Son premier jour, Clément s’en souvient bien. « J’étais arrivé avec vingt minutes d’avance à l’entrée de l’usine mais je ne m’étais pas rendu compte que le site était très grand et que l’accueil n’ouvrait qu’à 8h. Le temps qu’on vienne me chercher, j’ai fini en retard ! » Après un premier tour de l’usine, Clément a très vite été lâché en autonomie. Et bien que son maître d’apprentissage ait été absent plusieurs semaines, il s’en est sorti. « Je me suis rapidement organisé, je me suis d’ailleurs surpris moi-même ! » Toutes ces nouvelles situations professionnelles lui ont donné des ailes… A dire vrai, il a même acquis plus d’assurance dans sa vie personnelle. « J’ai toujours eu un caractère plutôt réservé. Maintenant j’ose davantage aller vers les gens. »

Dans son service, une cinquantaine de salariés se relaient jour et nuit pour maintenir l’outil de production en état de marche. « Je viens souvent à 5h du matin le vendredi pour accompagner l’équipe qui s’occupe de la ligne pour laquelle je modélise des pièces actuellement. C’est une façon de mieux comprendre leurs problématiques et leur quotidien. » L’ambiance est bonne. « Mon bureau se situe dans un open space. Évidemment, ça parle, il y a du bruit, c’est parfois dérangeant. Mais l’avantage, c’est qu’on n’est jamais isolé. On peut sociabiliser facilement avec le voisin de droite ou de gauche. Pareil à la pause café ou dans la salle de repas. On parle bricolage, automobile, voyage... » Avant Noël, Clément a été invité au restaurant par l’entreprise avec les autres salariés du service.

 

Chômage partiel à Noël

Clément n’a pas négocié son salaire. Il perçoit 1 230€ net. « La direction a arrondi à 70 % du Smic, ça correspond à ce que je fais. » Clément change de casquette toutes les cinq semaines à partir d’octobre. « L’usine tourne 24/24 tous les jours et mes missions avancent au rythme de la production. Si le type de tuiles sur lequel je travaille n’est pas fabriqué quand je suis là, mon projet n’avance pas ! Je m’absente très longtemps, c’est assez difficile de se remettre dedans à chaque fois. » Ce rythme change dès la fin avril quand les autres étudiants partent en stage de fin d’études. Lui prend ses quartiers en entreprise pour seize semaines d’affilée. L’occasion d’appuyer à fond sur l’accélérateur, et d’écrire son rapport d’apprentissage à rendre à la mi-juin.

Pour les fêtes de fin d’année, l’usine a fermé trois semaines. Clément a eu le choix entre poser ses congés ou opter pour le chômage partiel. La décision a été rapide : « Je n’ai que cinq semaines de congés, je ne voulais pas en utiliser trois en hiver. Et puis, le chômage partiel n’entraînait pas une grosse perte de salaire, je pouvais même travailler ailleurs. » Dans la perspective des examens, Clément a pris du temps pour réviser. Il a travaillé son anglais. « J’ai aussi accumulé quelques heures de vol au départ de l’aérodrome d’Angoulême. »

 

La journée Trajectoires

Chez Terréal, c’est une institution ! En juin, les apprentis de tous les services sont invités à présenter leur projet fil rouge, celui qui les a occupés une bonne partie de l’année. Ce moment est destiné à « les valoriser et les remercier du travail accompli », explique Bruno Hocde, le directeur du site (lire en p.??) Pour Clément et les autres, c’est surtout un grand oral en public ! Cette fois, ils sont cinq et le tirage au sort désigne Clément pour débuter. Quinze minutes de présentation avec un diaporama, suivies de 5 de questions bienveillantes… Du haut de ses 20 ans, le jeune homme connaît le sujet sur le bout des doigts et apparaît à l’aise. « Je me suis entraîné avec les collègues, c’est une bonne répétition pour la soutenance ! »

 

Et la suite ?

A la base, Clément n’avait pas une passion dévorante pour les tuiles… Mais il ne regrette pas cette expérience. « Je ne pensais pas qu’on me donnerait des missions aussi concrètes. Mon conseil aux futurs apprentis, c’est de rester ouvert à toutes les opportunités. »

Pour autant, il ne restera pas chez Terréal à la rentrée. D’abord parce qu’aucun poste n’est à pourvoir. Mais surtout, Clément envisage une année de césure à l’étranger. « L’Irlande, le Canada ou pourquoi pas l’Australie ou la Nouvelle-Zélande… Je veux améliorer mon anglais pour intégrer les centres de formation de pilote de ligne. » Exit l’école d’ingénieurs ! Il veut tenter d’exaucer son rêve. « Les compagnies aériennes, à commencer par Air France, recherchent du monde. C’est maintenant ou jamais. » Et les tuiles, il les regardera d’en haut…

 


Dernière mise à jour le 05 novembre 2025

CFA Sup Nouvelle-Aquitaine

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