
Guillaume Mangin, 21 ans. L’un des rares étudiants de l’Institut de formation des masseurs-kinésithérapeutes de Poitiers à avoir choisi l’apprentissage. Une façon de progresser plus vite et de suivre les patients sur le temps long.
Guillaume Mangin était bien parti pour être footballeur professionnel. Né à Metz, c’est à Avignon vers 12-13 ans qu’il a été détecté pour intégrer une section de sport-études au début du collège. L’aventure a duré quatre ans jusqu’à une blessure qui l’a éloigné des terrains quelque temps en 3e. Pendant sa convalescence, il a rencontré un kiné qui s’est occupé de lui plusieurs semaines. Premier déclic. Ensuite, plus vraiment motivé par la perspective du ballon rond, il a repensé à cette rencontre quand ses professeurs ont commencé à lui parler d’orientation… « Je me suis renseigné sur internet et j’ai compris que j’avais des qualités pour exercer ce métier : l’empathie, le goût du relationnel, l’envie d’apprendre constamment. » Banco ! Au lycée, il a rejoint Bressuire dans les Deux-Sèvres avec ses parents maraîchers. Après son bac spécialités SVT-Physique obtenu avec mention « bien », Guillaume a effectué une première année de licence accès santé (LAS) option Sciences de la Terre. Ses bons résultats lui permettaient de faire médecine mais il a choisi kiné. « J’avoue que les 10 ans d’études m’ont refroidi ! » Il a quand même signé pour 5 années d’études...
Première approche
Au lycée, aucun kiné autour de chez lui ne s’était montré disponible pour l’accueillir en stage de découverte. A son arrivée à l’Institut de formation des masseurs-kinésithérapeutes (IFMK) de Poitiers, il n’avait donc qu’une vague idée de la réalité du métier. Comme beaucoup d’étudiants. Heureusement, l’immersion a été rapide. Deux semaines au Centre hospitalier Nord Deux-Sèvres (CHNDS), suivies d’un mois au Centre de soins médicaux et de réadaptation du Château de Bassy en Dordogne. « Je ne trouvais pas de structure proche de Poitiers ou Bressuire et je n’avais pas les moyens de prendre un autre logement… Mon professeur référent m’a aidé à trouver ce stage où le logement était gratuit ! »
En septembre 2024, sa deuxième année démarre directement par un stage ! Direction un cabinet libéral du centre-ville de Poitiers pour six semaines. « J’ai adoré. Les âges des patients étaient variés, on allait à leur domicile et en Ehpad, et puis j’ai pu suivre certains sur plusieurs semaines, ce que j’apprécie beaucoup. » Une bonne perspective pour la suite...
Son contrat d’apprentissage commence réellement le 14 octobre 2024. Guillaume cherchait une structure assez polyvalente, capable de lui montrer les différentes facettes du métier. Il s’est tourné vers le CHNDS où le contact s’était plutôt bien passé un an plutôt. « C’était la première fois que cet établissement prenait un apprenti kiné. »
« J’acquière une expérience de fou »
« L’été je travaillais de toute façon à l’usine sans prendre de plaisir. Pouvoir continuer d’exercer un métier que j’aime tout en étant payé, c’était une aubaine. Évidemment, la rémunération était aussi un argument important pour moi qui, en tant d’étudiant, n’avait pas beaucoup d’argent. Troisièmement, j’acquière une expérience de fou et comme en pratique, je ne suis pas le meilleur, ça me permet de progresser plus vite. A l’institut, on s’exerce entre nous. Les étudiants sont des cobayes ! Mais en vrai ils n’ont pas de douleurs alors qu’en structure, on manipule de vrais patients. »
Salaire progressif
C’est parti pour trois ans ! Et Guillaume n’aura aucune obligation de rester après. Ce qui lui convient très bien. « La structure me plaît bien mais je veux avoir le choix de partir après mes études, par exemple, pour suivre ma copine. » Pour le salaire, il n’a pas eu le choix ! La grille indiciaire de la fonction publique hospitalière établit un montant brut à hauteur de 51 % du Smic. Soit 901€ jusqu’à 21 ans. Justement l’anniversaire qu’il a fêté en mars 2025. A cette date, il est donc passé à 61 % du Smic. Plus tard, sur les deux années suivantes de contrat, sa rémunération atteindra 79 % du Smic, environ 1 400€. De quoi ravir Guillaume : « C’est déjà très bien, je ne me voyais pas négocier plus. »
24 semaines de « stage » au lieu de 12
Comme les autres étudiants, Guillaume a 12 semaines de stage par an. Mais en tant qu’apprenti, il en a 12 de plus. Au total, il accumule donc 24 semaines à l’hôpital. Si on ajoute à cela les périodes de cours, communes aux autres étudiants, le jeune homme n’a que cinq semaines de congés payés. C’est la contrepartie de son nouveau statut de salarié.
A Noël par exemple, lui était au boulot ! « J’ai eu les deux jours fériés », nuance-t-il avec enthousiasme. Il n’a pris qu’une semaine en avril. « Au sein de mon service, on me laisse quand même de la souplesse. J’ai pu caler mes congés d’été. » Ce qu’il n’avait pas prévu en revanche, c’est la perte de sa carte d’identité… Impossible de partir au Portugal en juillet sans papiers ! Heureusement tout s’est bien terminé...
« A l’hôpital, je suis pris au sérieux »
Il faut distinguer les stages obligatoires à visée pédagogique et un temps de travail en autonomie. Dans le premier cas, Guillaume est accompagné en permanence d’un kiné du service. L’occasion d’aborder des points plus techniques. « Les maîtres de stage sont bienveillants, ils me donnent des conseils sans me dire que c’est complètement nul. » Mais le reste du temps, il bénéficie de beaucoup de liberté. « En contrepartie, on me donne les pathologies les plus faciles à gérer. » Il s’est retrouvé parfois seul dans des situations délicates, mais pas de quoi remettre en cause son engagement. « Je suis à l’aise avec les patients, ils me prennent au sérieux. » Certains sont même étonnés de le voir repartir en cours ! Au début, on lui a attribué des bilans d’équilibre et de marche assez simples à réaliser. En suivant ces premiers patients, il a fait évoluer sa pratique. La dynamique d’apprentissage est en marche.
« Je peux parler de tous les sujets avec les kinés »
« J’appréhendais un peu le premier jour, mais j’avais hâte en même temps. La pratique a vite pris le dessus, les kinés m’ont mis à l’aise. » Guillaume se souvient de situations plus tendues. « En stage de K1, le kiné m’a demandé ce que je ferais face à tel cas et ensuite il m’a dit : vas-y, fais-le ! » Pas simple quand tu débutes. « Ce n’était pas un piège, il voulait seulement que je réfléchisse ! »
En stage, il y a le travail et tout ce qui se passe à côté. « Je ne parle pas trop aux infirmières et aux aides soignantes. Comme je passe d’un service à l’autre, je ne les connais pas. En revanche, je peux échanger avec les kinés sur tous les sujets. » Guillaume n’a pas été confronté au décès d’un patient. Chaque cas est différent et toutes ces expériences le font grandir. « Juste une fois, j’étais frustré de ne voir aucun impact de mes actions sur le patient. Mon collègue m’a répondu que si je n’étais pas là, le patient régresserait. J’ai compris la nuance. »
La pause déjeuner, c’est sacré ! A l’hôpital, Guillaume s’installe au self avec ses collègues et peut discuter alors de sport, d’actu ou de voyage... « J’amène mon plat, en général les restes de la veille chez mes parents. Je préfère, histoire de faire des économies. » A l’IFMK, il déjeune au restaurant du 11e étage dans la tour du CHU. « J’arrive à 11h30 et j’ai le temps de manger tranquillou. » Avec les tarifs négociés par le CFA Sup NA, le repas lui revient à 0,30€.
L’examen d’anatomie, son pire cauchemar
Les examens sur table et les gestes pratiques se succèdent à chaque session à l’IFMK. « Nos connaissances et notre manière de manipuler sont évaluées. Les profs notent aussi notre capacité à faire un bilan préalable. On doit apprendre certaines techniques « par coeur » pour les restituer au bon moment. » Pas de quoi l’inquiéter, Guillaume est du genre à réviser bien en amont. Son pire cauchemar, c’est l’examen d’anatomie ! « Tous les mois, on a un tas de dessins à apprendre par coeur. Et ça, en K2, c’est ce qui me prend le plus de temps dans ma vie ! » En K1, Guillaume a dû passer au rattrapage sur la pratique. Ça lui a servi de leçon. Il a bien rebondi et n’en tire que du positif.
L’œil des patients
Voir la progression des patients, c’est sans doute ce qui lui donne le plus de cœur à l’ouvrage… « Quand je vois au bout de quelques semaines que leur situation s’améliore, c’est concret, je sers à quelque chose. Certains restent cloîtrés dans leur chambre, moi j’arrive pour une séance de rééducation de trente minutes et ils repartent avec le sourire, c’est trop bien ! » Malgré les efforts qu’il exige, la plupart des patients lui demandent même de revenir le lendemain.
« On s’entraîne ensemble, chacun est le cobaye de l’autre ! »
D’une manière générale, Guillaume s’entend bien avec toute sa promo. Mais un petit groupe sort du lot. Avec eux, il participe à des soirées étudiantes, et révise le moment venu. « En kiné, l’ambiance est familiale. On sortira tous avec un diplôme, on sera collègues, donc pas de concurrence entre nous. On se motive, on s’entraide. » En plus, pour apprendre à réaliser les gestes, il n’y a pas trente-six façons différentes. « On s’entraîne sur ses camarades. Chacun est le cobaye de l’autre ! » Forcément ça rapproche !
A chaque cours, deux étudiants s’engagent à prendre des notes sérieusement et les partagent avec les autres. Le binôme change chaque semaine. « Quand il te manque une info, tu la retrouves sur leurs fiches. » En début d’année, les soirées de cohésion te mettent tout de suite dans le bain. « On fait aussi du tutorat pour les promos d’avant. Les K2 pour les K1, les K3 pour les K2… »
Des séances gratuites de sport
Après le bac, Guillaume a totalement arrêté le foot. Durant les deux premières années, il n’a pas fait de sport en club, trop concentré sur sa nouvelle vie d’étudiant. A la rentrée dernière, il s’est inscrit au SUAPS pour faire du sport le soir gratuitement. Il peut même réserver des séances d’une semaine sur l’autre. Idéal quand on ne veut/peut pas prévoir son planning ! Lui a choisi le basket et le badminton. Ce service de l’université de Poitiers est financé par la Contribution à la vie étudiante (environ 100€) payée par tous les étudiants et apprentis à leur inscription. Pour les apprentis, elle est totalement prise en charge.
Double logement
Comme beaucoup d’étudiants, Guillaume a dû prendre un appartement à Poitiers pour être au plus près de son lieu de cours. « Je peux y aller à vélo, c’est parfait ! » Et pour son stage au CHNDS, il retourne vivre chez ses parents, ce qui ne lui pose aucun souci ! « Je n’ai jamais demandé de soutien financier à mes parents vu que je travaillais déjà avant. Quand je reviens, ils m’accueillent avec plaisir ! »
Plus tard dans l’année, Guillaume a décidé de déménager pour avoir plus de place. Direction l’immeuble d’en face ! Côté loyer, il paie maintenant 550€ par mois et perçoit 301€ d’APL par la Caisse d’allocations familiales. « Cette aide a même augmenté quand je suis devenu apprenti. » Comme il a quitté le premier appart avant la fin du préavis, il a dû payer deux loyers. « Mon salaire y est passé mais ça valait le coup ! »
En camping à La Rochelle
Faute de pouvoir valider le champ de compétences « neurologie » au CHNDS, Guillaume a dû trouver un autre lieu de stage pour six semaines (lire ci-dessous). Pas simple en pleine année scolaire ! « J’ai fait des demandes spontanées un peu partout. J’ai finalement été pris dans un cabinet libéral à La Rochelle. » La solution idéale et près de la mer en plus ! Mais pour se loger , c’est une autre paire de manches… Exit les apparts ! Trop cher. Guillaume doit se rabattre sur un camping. « J’ai pu négocier un mobil-home à 890€ pour un mois et demi. » Piscine collective incluse ! L’emplacement est à 10 minutes en voiture de son lieu de travail, 20 minutes à vélo. Parfait ! Sauf quand le smartphone tombe à l’eau mais c’est une autre histoire…
Une fois rentré de La Rochelle, Guillaume a pris deux semaines de vacances bien méritées. Direction le Portugal ! « J’ai fini par retrouver ma carte d’identité. Elle était restée dans une photocopieuse. » Ensuite il a enchaîné sur une nouvelle période de travail au CHNDS jusqu’à la rentrée de septembre. « J’ai gardé mon appart à Poitiers. » Son stage en libéral lui a donné des idées mais il lui reste encore deux ans d’études, alors pas de précipitation. « Pour l’instant, je me sens toujours étudiant, je passe beaucoup de temps à réviser, même le soir après le travail. Et je suis encore obligé de demander ce que je ne comprends pas. » Le moment de trouver son premier job viendra bien assez vite.
Dernière mise à jour le 22 octobre 2025